Basso et maintenant Ullrich viennent d'être blanchis. Quelle crédibilté peut-on accorder aux hautes instances du cyclisme qui prône un cyclisme propre et dans le même temps ne prennent pas les sanctions qui s'imposent vis à vis de coureurs dopés. A ce sujet, je vous invite à lire l'excellent article sur Armstrong
"Ballester : "Armstrong s'est dopé, il a triché, il a menti"
19/10/2006 Propos recueillis par FREDERIC WARINGUEZ De Sports.fr
Deux ans et demi après la sortie de LA Confidentiel, qui, à la veille du Tour de France 2004, avait jeté un pavé dans la mare concernant la probité de Lance Armstrong, Pierre Ballester et David Walsh récidivent avec LA Officiel (*). Dans cet ouvrage paru aux éditions La Martinière, des faits et des témoignages accablants apportent un nouvel éclairage sur les soi-disant exploits du Texan, septuple vainqueur du Tour de France. Une lecture fortement recommandée. Entretien avec l'un des deux auteurs, Pierre Ballester.
Armstrong continue d'arborer son sourire carnassier...Armstrong continue d'arborer son sourire carnassier...
Pierre Ballester, ne craignez-vous pas d'être taxé d'acharnement à l'égard de Lance Armstrong ?
C'est un reproche qui peut nous être fait. Je réponds que ça s‘appelle un complément d'enquête et que l'un des fondamentaux du métier de journaliste, ce n'est pas forcément de faire plaisir mais c'est de relater, de rendre compte, de restituer et d'aller chercher l'information. N'en déplaise à certains. Ce serait de l'acharnement si c'était les Dents de la mer 2 ou Rambo 3, c'est-à-dire un copier-coller du premier livre. On a laissé Armstrong en juin 2004 et au vu de tous les événements qui se sont passés depuis lors, ça légitimait la sortie d'un autre livre.
Quelle a été votre démarche ?
C'est la même veine que pour le premier. C'est de l'investigation basée sur un socle de faits et de témoignages. Ce n'est pas de l'acharnement sur la personne Armstrong mais sur la représentation du sport tel qu'il l'incarne.
Pouvez-vous expliciter les faits nouveaux qui sont dévoilés dans votre livre ?
D'abord des témoignages. Il y en a une douzaine plus confondants et accablants les uns que les autres à mon sens. On revient notamment sur son aveu formulé devant son cancérologue en octobre 1996. Aveu rapporté sous serment par trois des six témoins de la scène. Lorsque son cancérologue, avant d'élaborer son protocole médical pour guérir son cancer, lui demande à l'hôpital d'Indiana s'il a eu recours à des produits, Armstrong avoue tout de go utiliser de l'EPO, des hormones de croissance, des corticoïdes, de la testostérone. Trois témoins en attestent, les trois autres ont gardé le silence, ce qui veut tout dire...
"On est au-delà du soupçon et du doute"
Vous mettez également en évidence les pressions exercées par Armstrong et son entourage sur les témoins...
Oui, c'est Armstrong lui-même, au téléphone, ou ses proches pour faire taire les témoins ou pour qu'ils reviennent sur leurs propos. De Emma O'Reilly, son ancienne soigneuse, qui après la sortie du premier livre a reçu la visite de deux avocats, jusqu'à Greg Le Mond qui a été harcelé par des hommes influents de l'aéropage Armstrong. Le paroxysme a été atteint quand a été publié à l'insu de Le Mond dans USA Today sa rétractation publique sur les propos soupçonneux qu'il avait proférés à l'encontre d'Armstrong. Ils ont écrit au nom de Le Mond qu'il s'excusait. C'est terrible, c'est grave. Ce sont des comportements qui s'apparentent à l'Italie des années 30...
De passage sur le Tour 2006, Armstrong devise avec des journalistes triés sur le volet.De passage sur le Tour 2006, Armstrong devise avec des journalistes triés sur le volet.
Au-delà des témoignages que vous rapportez, il y a aussi des faits...
Les langues se délient, ces témoignages le cernent de toutes parts et puis il y a effectivement les faits. Je ne reviens pas sur les faits avérés de dopage d'Armstrong. Tour de France 1999 : prise de corticoïde blanchie par l'UCI par le biais d'un certificat médical antidaté. Et puis il y a les révélations de Damien Ressiot dans un quotidien sportif qui fait état du recours à l'EPO par Armstrong sur le Tour de France 1999. On est au-delà du soupçon et du doute. Il s'est dopé, il a triché, il a menti.
La réalité de la métamorphose physiologique d'Armstrong est également sérieusement battue en brêche...
Il a clamé sur tous les toits qu'après son cancer, il avait perdu beaucoup de poids pour expliquer qu'il était devenu un grimpeur hors-pair. Or, les déclarations sous serment d'un expert de renommée mondiale, Michael Ashenden, sur la base des données physiologiques d'Armstrong fournies par son propre physiologiste, démythifient totalement cette argumentation. Sur le poids par exemple, il s'avère qu'Armstrong n'a pas perdu dix kilos ou cinq kilos, mais seulement un kilo. Dès lors, tout le mythe Armstrong s'effondre. C'est pareil pour sa production d'acide lactique, son VO2max, la taille de son coeur... Tout ça n'est absolument pas étayé par son propre physiologiste et se retrouve réduit à néant par Ashenden de façon imparable.
"Au moins, les gens savent..."
Pourtant à la lecture de votre livre, on a le sentiment qu'Armstrong s'en sort finalement très bien. Son image semble à peine ternie aux yeux du grand public... Vous avez dit vous-même qu'il est indemne, impuni, intouchable. N'est-ce pas un peu désespérant ?
L'une des motivations de ce livre, c'est le comportement de Lance Armstrong. Une arrogance épouvantable qui le fait s'autoproclamer héraut de la lutte antidopage ! Il ne manque pas de toupet ! A la lumière des éléments, des événements et des témoignages, il a bel et bien triché, il a menti, il a souillé son sport, il a kidnappé le cyclisme de haut niveau et le Tour de France pendant sept ans et la morale de l'histoire voudrait que ce type-là, non seulement l'ouvre, mais sorte en plus impuni, glorifié, grandi, indemne ? Nous on ne condamne pas Armstrong mais au moins, les gens savent. Notre rôle s'arrête là.
On en apprend un peu plus sur la personnalité d'Armstrong...
Le relationnel d'Armstrong, c'est la partie obscure. Il ressemble à ce qu'il est sur un vélo. Pas de merci, pas de pitié, pas de quartier. Aussi bien dans le cas de Mike Anderson (son ancien homme de confiance, ndlr) que pour les autres témoins, tout ça est arrivé à un arrangement à l'amiable et les données sont tenues confidentielles. Jusqu'à ce livre, même si quelques éléments ont été éventés dans la presse dernièrement. C'est donc une remise en perspective totale et j'estime que c'est assez édifiant.
Vous semblez mettre en doute sa sincérité dans son combat contre le cancer...
C'est tout de même la seule personne qui remercie le ciel d'avoir eu son cancer. Il a été champion du monde avant son cancer. Il en réchappe. Non seulement il recouvre ses moyens antérieurs de sportif de haut niveau mais il démultiplie ses performances et devient à partir de là invincible. S'il faut passer par un cancer pour être plus fort qu'avant, il y a quelque chose qui m'échappe. Il est une incarnation maléfique du sport de haut niveau. Il a porté aux nues les notions de triche et de mensonge, au détriment de la notion d'humanité, vis-à-vis notamment des cancéreux. Le message d'Armstrong pour les cancéreux est porteur d'espoir mais quand on vend des millions de bracelets sur un mensonge -je me demande d'ailleurs à qui profite cette manne-, il y a une perversité. Dernière chose, l'arrogance, le mépris qu'il a pour son sport qu'il a toujours considéré comme un job, va se nicher jusque dans le populisme... Il est déjà confondu en tant que sportif de haut niveau mais sa personnalité ne le réhausse pas.
"Le cyclisme? Cataclysmique !"
Le procès qui devait se dérouler début octobre en France suite à la plainte pour diffamation d'Armstrong à votre égard n'a finalement pas eu lieu après le retrait de sa plainte. Etait-ce une bonne nouvelle ou une déception pour vous?
On s'y attendait un peu. Deux mois avant le procès, il a reculé même s'il a toujours dit qu'il attaquerait quiconque mettrait en doute sa probité sportive. Pour le premier livre, on a été deux fois en justice avec lui, il a été débouté deux fois. Je crois qu'il redoutait un déballage public, une grande explication cartes sur table. Là, devant une procédure juridique française, il ne pouvait pas contrôler la situation. Il aurait été gravement malmené par les faits exposés et par les témoins qui seraient venus à la barre.
Leblanc a fait la paix avec Armstrong avant de partir en retraite...Leblanc a fait la paix avec Armstrong avant de partir en retraite...
Parfois, Armstrong n'a même pas besoin de faire pression pour qu'on ferme les yeux, c'est ce que vous laissez entendre à propos de Jean-Marie Leblanc...
Oui, c'est pathétique ce comportement de Jean-Marie Leblanc. Il y a un an, après les révélations de son ancien journal dont il était le chef de la rubrique cyclisme, il dit qu'il a été "floué" par Armstrong. Un an plus tard, il lui court après pour lui serrer la main. C'est bizarre cette faculté d'oubli. C'est symptomatique des réflexes sectaires de ceux qui tiennent encore ce milieu entre leurs pognes. «Calmons le jeu, éteignons l'incendie» mais c'est un brasier qui les cerne et qui va les brûler.
Cela étant, j'ai plus confiance en Christian Prudhomme car il n'est pas du sérail. C'est un journaliste. S'il y a eu tout ce déballage avant le Tour de France avec l'affaire Puerto, je pense que Prudhomme n'y est pas étranger. Quand on a été coureur cycliste, président du syndicat des coureurs et qu'on est dedans depuis très longtemps, il y a des habitudes qu'on ne peut pas évacuer.
Quel est votre regard sur le cyclisme aujourd'hui?
Le cyclisme de haut niveau, pas besoin d'en remettre une couche : de moins en moins d'équipes, le conflit entre l'UCI et les grands Tours, des cas de dopage à droite et à gauche, des réseaux qui sont éventés, l'affaire Landis... C'est cataclysmique !
Quelle est la solution pour sauver ce sport ?
Un directeur sportif me disait que son fantasme le plus cher serait de se retrouver un jour devant Hein Verbruggen, de lui demander s'il aime le cyclisme et si la réponse est oui, de lui dire de le quitter ! La solution passe par le renouvellement des cadres, des mentalités, mais ce n'est pas gagné... Rien n'indique que ce sport va dompter ses démons."