de BOAL » Lun 22 Oct 2007 07:59
Tu as déjà remarqué que je suis un inconditionnel de jps ; j'adhère complétement à ses principes :
Voici un excellent art. sur le sujet "programmer un jeune"
« PROGRAMMER » UN DEBUTANT… ! D’après un article de Jean-Paul STEPHAN
Un programme...le cadet de mes soucis!
(merci à Lucille de m'avoir posé cette question) 21 octobre 2002
Roc d'Azur 2002: j'ai interviewé Eric Davaine, J-Christophe Péraud, j'ai assez de matière pour m'occuper en rentrant...non! Lucilie Rogier, cadette champenoise de bon niveau, vient me voir pour un programme d'entraînement. L'occasion d'un article intéressant, mon avis étant qu'il ne faut pas "programmer" un cadet, mais faire en sorte qu'il pratique "varié avec dominante vélo", avec un maximum de plaisir.
1. Savoir à qui l'on s'adresse
Ce jour là je questionne longuement LucilIe car les conseils doivent être adaptés au vécu de chacun (e).
Par Exemple. ..: LucilIe m'apprend qu'elle fait du vélo "depuis l'âge de 9 ans, en pupille". En compétition donc, sinon elle ne citerait pas de catégorie. 15 ans et déjà 7 ans de compétitions! Ce contexte pourrait prédisposer à la saturation. Mais elle fait aussi du triathlon, donc elle court (peu), nage, elle "varie". Tant mieux (la "non spécialisation précoce" favorise la spécialisation ultérieure, il faut le savoir). Elle prend plaisir à faire du vélo, mais a quand même été fatiguée au moment de la rentrée scolaire (coupe de France de Guérêt), quand il a fallu se remettre à se lever tôt. Elle place l'école au premier rang de ses préoccupations et c'est très bien ainsi.
Elle a couru environ 15 épreuves en 2002. Elle peut en envisager un peu plus en 2003 sans risque (20?).
Elle roule souvent avec son frère Simon, son père Laurent, Emilie Durand...cela augure d'un environnement convivial. Tant mieux, ça peut permettre de lui proposer des "défis ludiques", impossibles pour quelqu'un qui roule seul et qui devra trouver es propres repères à améliorer.
En gros elle fait du sport 3 à 4 fois par semaine, plutôt vélo en saison et partage vélo/natation en hiver. On peut lui conseiller d'utiliser la natation pour acquérir une base foncière durant l'hiver, son niveau lui permet de s'y faire plaisir. En outre nager permet un renforcement musculaire général utile au
vététiste. À un non nageur, on préconiserait plutôt course à pied + musculation (légère) du haut du corps.
Elle souhaite tâter un peu de route en 2003 "pour changer' (bonne idée de ne pas tomber dans la routine dès 16 ans!). Elle a d'ailleurs couru un critérium en septembre et ça lui a plu.
Elle ne pratique pas le bicross, on peut donc lui conseiller de travailler la technique sur le vtt et le "physique" sur route. Un bicrosseur pourrait laisser tomber une partie de la technique vtt (franchissements et sauts), mais pas tout (on ne trouve pas de boue, dévers, pierres. ..en bicross).
Elle fait "un peu de fractionné" durant la saison, du 30/30, parfois 3X5'. On peut lui proposer d'autres types de séries afin qu'elle les diversifie plus, cela prévient la saturation et la monotonie qui rend l'entraînement sans effet. Elle gagnera aussi à découvrir comment fractionner tout en travaillant la technique vtt, sous forme de jeux.
2. Guider en laissant faire ses expériences
Un jeune a "tout à découvrir" du cyclisme. Ne l'empêchons pas de le faire avec des préceptes fermés comme on en entend trop souvent. Voici quelques "perles" traditionnelles du cyclisme...
."Pas d'étirements après la douche!" J'ai entendu ça récemment...les étirements peuvent être pratiqués partout et n'importe quand, même au saut du lit (c'est ce que font les chats. ..), si on sait s'y prendre. Il vaut toujours mieux s'étirer que ne pas s'étirer. En outre la douche ou le bain diminuent le tonus, cela favorise les étirements! Et si on a roulé avant la douche, l'effet d'échauffement (qui facilite les étirements) reste présent une bonne demi-heure après la sortie. Les gens qui disent de ne pas s'étirer après la douche sont comme ceux qui disent que les bananes sont difficiles à digérer mais mangent une pâtisserie...on appelle ça un faux prétexte, un alibi pour ne pas faire!
NB: il faut apprendre à étirer toutes les parties du corps. Le cyclisme sollicite surtout membres inférieurs et lombaires, mais l'organisme fonctionne "en chaîne", les étirements doivent tout remettre en place. D'autant qu'ils aident au renforcement musculaire, qui doit être généralisé en cadet.
."La natation ramollit les muscles !" Une ânerie, souvent entendue! Heureusement que les triathlètes n'écoutent pas ça...d'abord la natation est un sport "en étirement", très peu traumatisant. Il est vrai qu'après une grosse séance de natation, on a mal aux jambes en vélo. Mais une séance peu intense n'empêche pas de rouler fort le lendemain. Il m'est souvent arrivé de nager la veille d'un cyclo-cross. Ce jour-là, je travaille surtout les bras (nage avec pull-boy. ..). C'est mieux que de négliger la condition physique sous prétexte d'incompatibilité avec le cyclisme. Un jeune ne doit pas vivre le cyclisme comme une activité qui l'empêche d'en faire d'autres qu'il aime aussi (sinon il se tournera vers celles qui lui procurent le plus de plaisir direct), d'autant que toute activité physique est profitable à cet âge, c'est un investissement pour l'avenir. Un cadet doit élargir son répertoire moteur, les coordinations acquises lui serviront (ex: l'escalade ou la marche/course en terrain varié sont très utiles aux poses de pieds dans les portages).
."II faut un programme strict si on veut y arriver !" Non, pas à cet âge là. Le mot "programme" vient du grec "pro" ("avant") et "gramma" ('écrit"). Un programme désigne ce qui est écrit à l'avance et à l'extérieur de la personne qui l'applique. Un jeune n'est pas encore fixé sur ce qu'il fera à long terme, le fait d'imposer un programme lui donne l'impression que l'activité choisie librement au départ devient un "travail". C'est encore plus valable pour les filles qui souvent ont un esprit de compétition moins marqué que les garçons, et supportent moins une pratique imposée. C'est seulement lorsqu'un jeune très motivé demande de lui-même un programme qu'on peut aller "un peu plus" dans ce sens. ."11 faut couper en hiver. .." notion valable pour un coureur usé, profondément fatigué. ..à éviter avec un jeune! Si l'on force un jeune au point de provoquer une fatigue profonde, on peut compromettre sa croissance, le catabolisme (destruction des protéines) prenant le pas sur l'anabolisme (construction des protéines). Un jeune doit faire "plus de vélo" pendant la saison Jusqu'à 3 ou 4 fois par semaine, pourquoi pas, si les sorties sont assez brèves et variées), et "moins de vélo" en hiver. Mais il n'y a aucune raison à ce qu'il s'interdise toute activité cycliste hivernale. Encore moins à ce qu'une personne extérieure lui interdise! En revanche, il devra faire attention à ne pas puiser dans ses réserves à cette période. Pour cela les sorties seront courtes (45 minutes à 1 h30 maxi), axées sur la vélocité, la force, la technique, mais pas sur le rythme, la résistance (accumulation d'acide lactique, "grosses cuisses"). Ça n'empêche pas de courir quelques cyclo-cross pour un vététiste par exemple, mais il ne faut pas faire toute la saison sous peine de ne jamais "changer d'air" et d'activités, et arriver à saturation.
3. Rouler efficacement sans programme strict
Roulez avec un thème, pour que la sortie développe une qualité en priorité, et faites en sorte qu'elle le soit de manière ludique. C'est encore mieux à plusieurs (défis sur la base du thème proposé).
Quelques exemples:
-Vélocité: pédaler toute une sortie sur braquet réduit, y compris en descente; sprints aux "pancartes" sur petit braquet, assis, en danseuse; sprints 50m départ arrêté sur braquet réduit; relances maxis en sortie de virage (route, vtt, bicross) ; jeux de vitesse maximale (compteur) sur petit braquet; relais sur le plat sur petit plateau; suivre, sur petit plateau, un coureur qui roule sur le gros; parcours vtt sur braquet unique; bicross et piste en général; côtes en vélocité (conserver sa vitesse en réduisant le braquet) ...
-Force: sprints assis sur gros plateau (pancartes), idem en danseuse; côtes courtes montées assis sur gros plateau; jeux de "montées impossibles" en vtt ; jeux de départ (quel que soit le type de vélo) ; pédaler, sprints ou côte d'une jambe. ..
-Fractionné: jeux d'attaques et contre-attaques pendant 5km par exemple; monter tous les "coups de cul" au sprint sur route, mini tours "un cool I un à bloc" en vtt, en bicross ou sur piste; "carré magique" (un parcours d'environ 300m avec variantes pour qu'il fasse 310, 320,330m...on essaie de conserver le même temps en augmentant la distance) ; se laisser décrocher d'un groupe et revenir "en injection" (3, 5, 10 fois de suite)...
-Technique: le domaine est trop vaste pour dresser une liste d'exercices. Disons qu'un cadet doit toujours garder cette notion à l'esprit et ne pas hésiter à insister sur les passages ou figures, en tentant le maximum de variantes pour éviter les stéréotypes (= ne maîtriser qu'une sorte d'habileté). Trouver des défis pour rendre l'apprentissage ludique. Un seul exemple: au lieu d'apprendre "dans le vide" à remonter sur son vélo "à la volée", on met en place un jeu de départ à plusieurs en démarrant à pied à 10m du vélo, tenu par un copain...on arrive lancé sur le vélo qu'on enfourche à la volée. : vélo posé au sol Il départ de dos et un copain a placé les vélos différemment, on le découvre en se retournant (très marrant, développe les capacités d'adaptation !) Il vélo posé en sens inverse de la marche (il faut le retourner) Il venir de l'avant des vélos au lieu de venir de derrière...
-Fractionné et technique: jeux de départ (ex: départ large + rétrécissement + 3 virages), revenir tranquillement se replacer et recommencer (5 fois, 10 fois...), dual slaloms et mini montées à répétition en vtt ; répétition d'un tour de 40" à 1 ' qui comporte une montée physique et une descente technique (travail cardiaque et musculaire dans la côte et technique dans la descente tout en récupérant le cour et les muscles) ; mini parcours vtt avec une section technique plate, une descente technique et une montée sèche (vélocité en aisance cardiaque sur le plat, récup dans la descente, force dans la montée). Progressivement: diminuer les temps au tour, augmenter le braquet dans la côte, augmenter le nombre de répétitions, diminuer le temps de récup entre les tours...sans jamais supprimer les phases de récup dans le tour.
-"Maximums": ce thème est intéressant à exploiter dans de nombreuses directions, et surtout pour celui ou celle qui roule seul: atteindre la vitesse ou fréquence (si on a un cadenceur) maximale en 100m, en 20 coups ou tours de pédales (à partir de l'arrêt ou d'une vitesse déterminée), vitesse max sur un point défini (une pancarte, un pied, un milieu, un sommet de côte...record à essayer d'améliorer de temps à autre). Tenter un record de vitesse au début d'une côte est intéressant, ça apprend à encaisser la suite de la montée! Les maximums à atteindre sont nombreux, ils dépendent surtout de votre imagination!
-Vélo et préparation physique: rouler sur un parcours de santé et faire les exercices proposés sur les pancartes, plus d'autres qu'on s'invente; "bike and run" (sur une petite boucle, enchaîner une boucle en vélo et une à pied, ça peut s'organiser en mini courses à plusieurs)...
-Tout le vélo, tous les vélos! Un cadet gagne beaucoup à pratiquer le maximum de disciplines cyclistes et à s'habituer au maximum de vélos. Il développe ainsi des capacités d'adaptation très intéressantes pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'il saura se sortir de la plupart des situations "techniques" ou dangereuses en course. Ensuite parce qu'en cadet est encore versatile, il n'a pas encore définitivement choisi sa spécialité, il a donc tout à gagner à tout tester pour savoir ce qui lui plaît et/ou lui convient le mieux (pour choisir, il faut avoir différentes cartes en mains!). Enfin, parce que cette manière de pratiquer prévient la monotonie (moins bien acceptée par les jeunes que par les adultes), donc la lassitude, augmente la quantité d'entraînement et amène à travailler toutes les qualités cyclistes sans avoir à trop planifier, ce qui correspond bien à l'esprit de la majorité des jeunes.
4. Pas de programme diététique non plus!
Attention aux "gourous" qui affirment: "pas de ci, pas de ça la veille d'une course" ou qui parlent de "poids de forme" à des cadets (ce concept ne veut rien dire à cet âge). L'accès à l'équilibre alimentaire passe par une démarche patiente et progressive. Il ne faut surtout pas vouloir s'affûter comme un champion lorsqu'on est cadet, ne serait-ce que parce que la croissance n'est pas terminée et que l'organisme a besoin de beaucoup de calories pour l'achever. Pratiquer beaucoup d'activité physique suffit à brûler ces calories. Bien sûr, il y a des comme: ne pas manger entre les repas sauf pendant l'entraînement, éviter toute boisson sucrée ou bonbon (à la rigueur lors d'un repas, mais surtout pas entre les repas et encore moins passivement devant la télé, superbe "piège à graisse"!), éviter l'alcool, riche en calories (1 g de sucre = 4 Cal, 1 g d'alcool = 7Cal, qui se transforment facilement en graisses), manger "léger" (priorité aux fruits, légumes, poissons, oléagineux, féculents, pain; peu de fromages, de viandes et préparations grasses en général, pâtisseries, bonbons...).
Ces recommandations sont encore plus importantes pour les filles, qui grossissent plus facilement à la puberté, d'où des tentations de "régimes miracles". Les statistiques le prouvent: ces régimes échouent quasiment toujours, aboutissent à une prise de poids par effet "rebond", augmentent le taux de graisse, les risques de maladies cardio-vasculaires et de cancers. ..il faut bannir le concept de "régime". Patience et éducation progressive à une bonne hygiène de vie sont les maîtres-mots en termes d'alimentation et de "poids de forme". Néanmoins, si l'on tente des solutions excessives, il faut avoir l'intelligence d'en tirer les leçons pour évoluer (un régime avorté permet au moins de comprendre que ça ne fonctionne pas).
5. Le vélo, le cadet de mes soucis...
Jouer... Dans son excellent ouvrage "L'enfant et le sport" (PUF 1987), Marc Durand, dans une enquête sur les motifs d'abandon de la pratique sportive, trouve en premier lieu "Autre chose à faire", et en second: "Pas assez amusant". Le jeune vive sa pratique comme un jeu (et l'éducateur doit l'organiser comme telle!). Cette forme d'activité correspond à un niveau d'activation optimal de l'organisme qui donne du plaisir et donne envie soit de poursuivre l'activité, soit de la reprendre dès qu'on en a l'occasion. Orienter une activité vers le jeu, c'est le contraire de la justifier par des récompenses, des primes, qui instrumentalisent la motivation et font cesser l'activité lorsqu'elles disparaissent. Le jeu donne le sentiment au jeune qu'il a choisi de pratiquer de lui-même. Tout l'art, pour l'entraîneur ou l'éducateur, consiste alors à pousser le jeune vers certaines activités bien choisies tout en les lui faisant vivre comme un jeu. Relisez les exemples précédents sur les manières de travailler des qualités cyclistes. ..Philippe Meirieu, dans un autre excellent ouvrage ("Apprendre. ..oui mais comment", ESF, 1987), dit "L'élève est orienté par la tâche, le formateur est orienté par
l'obstacle" (ce que la réalisation de la tâche va obliger à faire et dont découlent des apprentissages visés). En outre, organiser l'entraînement sous forme de jeu amène à privilégier les exercices techniques, ce qui ne peut être que profitable à cet âge.
Conclusion
En termes de priorité pour un cadet, une cadette:
Ne pas se priver d'activités physiques sous prétexte qu'elles seraient "incompatibles" avec le
cyclisme. C'est un bon moyen pour ne pas donner aux résultats cyclistes plus d'importance qu'ils n'en méritent à cet âge. La priorité doit être donnée à la formation corporelle générale avec une dominante cycliste...
Privilégier le plaisir, que ce soit dans la manière d'aborder l'entraînement cycliste, l'alimentation, les rencontres avec les autres sportifs...
Se donner des repères concrets, qui motivent bien plus qu'un programme aux accents trop théoriques pour un jeune. Mesurer des distances, des temps, des vitesses, hauteurs atteintes. .. Se soucier de son hygiène de vie en toutes circonstances, ce qui suppose une attention ---r- -
progressive sur l'alimentation, l'hydratation, le sommeil, les étirements, la quantité d'activité physique générale (ne jamais devenir oisif, "le cul de plomb c'est pas bon!').
On peut envisager d'aller plus loin. Par exemple, dans notre club, nous avons un programme de sorties hivernales vtt. Celles-ci sont organisées chaque week-end par des membres différents. De temps à autre c'est un jeune qui prend en charge un samedi. À chaque fois nous considérons cela comme une réussite car cela signifie le dépassement d'une attitude de consommation pour aller vers une participation active aux organisations de l'association. Les jeunes sont prêts à faire beaucoup de choses à partir du moment où on ne les sous estime pas et où on leur permet de véritables initiatives. Donnez leur du matériel et faites les mettre en place des ateliers techniques, ils trouveront rapidement ce à quoi nous, adultes, n'aurions pas pensé! On dit souvent qu'ils sont "la relève"...donnons leur les occasions de relever le niveau de nos clubs!